C’est ce que veut dire jûdô qui est un dô guerrier reconverti en sport. Inoue, un des grands judokas japonais dans les années 2000 en moins de 100 kilos, se plaisait à entourer le sport d’une mystique guerrière, reproduisant les rituels des porteurs de sabre avant le combat.
Les épreuves de judo sont terminées et le Japon a fait très fort : 9 médailles d’or ! La France s’en tire avec les honneurs, seule nation à avoir pu rivaliser, même si pour être honnête c’est en-dessous des espoirs initiaux vu l’importance de ce sport dans notre pays (3 fois plus de licenciés qu’au Japon). Le tableau masculin fut en-deçà des espoirs. Quant aux Japonais, éternels insatisfaits, ils ne sont pas tout à fait sereins, ayant perdu par équipe (nouvelle épreuve mixte) face à la France en finale et n’ayant pas réussi à conquérir la catégorie phare des poids lourds. Les catégories supérieures font en effet un rappel religieux au dieu bouddha, symbole de pouvoir et de richesse. Les Japonais avaient vécu la défaite dans la catégorie poids lourds aux J.O. de Sydney en 2000 (vainqueur : David Douillet) comme un affront, qui avait connu une confirmation aux J.O. de 2012 avec le début de la domination de Teddy Riner, tirant tout le judo français vers le haut. Cette année là il n’y eût aucune médaille d’or chez les hommes, comme nous en 2021. Pour rattraper le terrain perdu, le judo devint sport obligatoire à l’école et un plan anti-Riner fut mis en branle. C’est partie une reprise en mains en bonne voie vu la victoire de Wolf en – 90 kilos, partie un échec car Teddy Riner a, malgré sa médaille en bronze, quand même une nouvelle fois battu son adversaire japonais qu’il avait déjà vaincu en 2016 en finale, lors de la petite finale, dans l’épreuve reine.
Pourquoi insister sur le judo, sachant que d’autres sports auraient pu être mis en relief, comme la victoire en tennis de table par équipes mixte sur les Chinois ? Parce que le judo est une vitrine de la culture japonaise. Au contraire du sumo qui n’est pas internationalisé et où prévalent des règles archaïques. Hausser la discipline au rang mondial et la maintenir à ce niveau est impératif pour le Japon. Sachant que c’est aussi une méthodologie d’éducation et un code moral, il est essentiel pour le pays de garder la mainmise sur ce sport. Tout comme cela l’est pour la France en escrime, un des derniers sports où on parle encore français. Le Japon lutte pour préserver les principes du judo authentique au niveau de la Fédération Internationale, avec la France comme alliée, face aux pays de l’est qui n’en ont cure de dénaturer la discipline, pressant à ce que les règles d’arbitrages se rapprochent de la lutte qui est le sport culturel local russe, ou du Brésil avec la discipline du jujitsu brésilien. Avec un système à points donc. Or au Japon, c’est la stratégie ippon qui prévaut. En 2008 le koka, le plus petit point, a été abandonné, ce qui fut une victoire allant dans le sens du judo japonais. Vous vous en êtes peut-être aperçus lors des rencontres éliminatoires, tel candidat japonais qui tourne autour de son adversaire encaissant deux points de pénalité, avant de faire ippon à 10 secondes de la fin du money time. Ce n’est pas un manque de combativité, mais une tactique rationnelle (bien qu’elle puisse se retourner sur son auteur jouant avec le feu).
La Chine a sa diplomatie du panda, le Japon poursuit un objectif de puissance (soft power) à travers le judo. Il a besoin de la France pour cela, qui partage sa vision du sport et l’a soutenu lors de la dernière révision des règles en 2018. Même si la France les embête un peu en expérimentant en douce de nouveaux kimonos qui permettraient d’améliorer la saisie (kumi kata) pour mieux projeter son adversaire… Là encore le Japonais y perdrait, à l’exemple de Teddy Riner qui les gêne considérablement sur le tatami car il pratique un judo très prudent, cherchant à saisir parfaitement son adversaire puis à le renverser avec sa force colossale et sa technique élaborée.
Toujours est-il qu’après de tels résultats le Japon a réussi à se refaire une santé dans ce sport. Notons aussi que le karaté fait son entrée aux Jeux cette année, à la place de la lutte gréco-romaine. Mais ne va pas rester pour les J.O. 2024.