Pour les Japonais, couper signifie modifier le goût d’un ingrédient et ils ont donc développé au cours du temps des techniques particulières. Certains couteaux se singularisent par le fait qu’ils n’ont qu’un seul tranchant au contraire des couteaux classiques aiguisés des deux côtés. La raison est technique. Le couteau symétrique – à double tranchant – exerce deux pressions latérales dans l’aliment au lieu d’une, ce faisant il pénètre comme une cale à bois en écartant les fibres ; des écoulements peuvent se produire nuisant à la qualité du plat. Chez les couteaux asymétriques à un seul tranchant (alors pour droitiers ou gauchers), le côté opposé légèrement concave crée un vide d’air, ce faisant on pénètre mieux et toute la saveur reste dans le produit. La prise en mains est différente : on tient le couteau avec trois doigts, l’index et le pouce ne travaillant pas. On coupe avec l’épaule et non avec le poignet : le cuisinier japonais pousse puis tire sur la lame du couteau sans allers-retours. Cela nécessite un certain apprentissage car la lame dévie au fur et à mesure, en particulier pour les grandes tailles.
Deux couteaux sont particulièrement caractéristiques
1. Le Sashimi (encore appelé yanagiba), couteau long en forme de feuille de saule, sert pour couper les tranches de poisson ou carpaccios. C’est ce qui se fait de mieux pour enlever la peau des poissons (« suki giri », dans la cuisine japonaise on n’écaille pas). Ils se manient en ligne droite avec le coude.
2. Le Deba, couteau lourd, sert principalement à séparer les têtes des poissons. Dans les cuisines occidentales, on rationalise par manque de temps, découpant par ex. les têtes des dorades avec des scies électriques. Ceci ferait bondir les puristes pour qui la qualité du met est sacrifiée. Le Deba a aussi son utilité pour les tartares. Il n’est pas conseillé de passer la viande crue dans un hachoir, mais d’utiliser ce couteau pour l’émincer sur un billot. Hirosa Koyama, celui qui a organisé le dîner du XXème siècle en 2000 à Tokyo avec Joël Robuchon, nous a appris cette technique : en se servant de deux Debas à la fois, un dans chaque main comme si on massait la viande avec le tranchant, on obtient une viande hachée homogène, ne s’effilochant pas. D’autres couteaux spéciaux existent comme pour la découpe du thon, des anguilles ou encore pour le fugu, mais sont peu employés. Notez bien qu’au Japon, la saveur dépend de la découpe, bien plus que de la cuisson.