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Le marketing de l’honnêteté

Art trophée“Souvent copié, jamais égalé”

…est le slogan définissant Haiku, la série emblématique de couteaux japonais. C’est aussi comme cela que se définirait l’ensemble du travail pionnier réalisé par Chroma France depuis sa création en 2002. Avant-gardiste et précurseur du couteau japonais en France, innovant avec des produits comme le coupe-épices, dénicheur de tendances avec les premières lames revêtues de titane ou remettant au goût du jour des techniques perdues de vue comme les damas ou les bruts de forge, agitateur dans le petit monde de la coutellerie en étant le premier à renseigner provenance et compositions de ses produits et à hiérarchiser ses gammes en fonction de critères objectifs identifiables.
 
Des années plus tard on recense de plus en plus d’aberrations du langage commercial dont certains abusent, le substituant aux informations essentielles. Petit tour d’horizon des pratiques actuellement visibles sur certains sites de vente en ligne :
 
L’absence totale d’information
Aucune composition d’acier, ou remplacée par un terme générique du style “acier carbone” ou “lame inamovible” (kesako ?). La qualité d’une lame se définit en premier lieu (mais pas seulement) par la qualité de l’acier. Benjamin Franklin : “jamais il n’y a eu de bon couteau né d’un mauvais acier“. L’information la plus pertinente à ce sujet est certainement sa dureté puisque c’est en grande partie elle qui va déterminer la longévité du tranchant (et c’est la seule sur laquelle il n’est pas possible d’influer une fois le couteau en sa possession). Elle s’exprime en degrés Rockwell ou °HRC mais ne permet pas de hiérarchiser. A défaut on peut se rabattre sur la teneur en carbone de l’acier (en %), qui est l’un des éléments qui va déterminer la dureté finale, c’est le critère que nous avons adopté pour segmenter nos gammes. Plus le taux de carbone est élevé, plus l’acier devient cher et n’est en général utilisé que sur les productions de qualité. Encore doit-il être clairement identifié (la mention “fort taux de carbone” seule ne veut strictement rien dire).
 
Les grosses ficelles
Comme les très fréquents “aiguisé à vie” et “ne nécessite pas d’affûtage” qui vont contre les lois de la physique. Tout produit lorsqu’il est utilisé subit une usure mécanique, le fil du couteau qui est très fin pour couper ne déroge pas à cette règle. La durée de cycle entre deux aiguisages varie d’un matériau à l’autre mais jamais ce cycle sera infini. D’ailleurs, les matériaux présentant les cycles théoriques les plus longs (céramique) sont aussi les plus fragiles donc plus sujets à ébréchures. Cela revient donc à les amputer sévèrement de leur atout premier (surtout que ce genre de matériau trop dur ne peut pas s’aiguiser par ses propres moyens). Parfois les argumentaires font sourire. Aperçu dernièrement : “le tour de main ancestral des artisans de la céramique”. Précision : la céramique est vieille d’une vingtaine d’années.
 
La durée de garantie variable
C’est le fameux “garantie à vie”. Ce type de garantie n’est pas légal pour une bonne et simple raison, elle ne définit ni durée (à vie de quoi ou de qui ?) ni conditions de validité. C’est la caricature même des termes aguicheurs qui en promettent toujours plus mais sans jamais dire plus que quoi. Sans base de référence, on peut toujours faire plus et mieux. Notre conseil : si rien n’est précisé chez le fournisseur comme ne faisant pas partie de cette garantie (vérifiez les astérisques) et qu’il arrive quelque chose, renvoyez-le et faites-le vous échanger, cela leur apprendra ! Ce n’est qu’ainsi qu’on peut éradiquer de tels comportements.
 
Les informations secondaires qui ne font que suggérer le meilleur
Ces informations sont des éléments qui peuvent sembler très importants à première vue mais qui ne sont au final gage d’aucune qualité. 
le lieu de production par exemple, s’il peut laisser présager du bon ou du moins bon n’est pas une valeur 100 % fiable. Même les pays qui ont moins bonne presse font d’excellent produits et ils peuvent tout aussi bien importer les bons matériaux pour leur fabrication, saviez-vous que les Ipad fabriqués en Chine ne sont composés que de 4 % d’inputs chinois ? C’est la mondialisation qui veut cela. L’inverse est tout aussi vrai. Tel couteau made in Japan peut vouloir dire “emballé au Japon”, idem avec des couteaux “made in Solingen”, dernièrement on voit fleurir des “made in Switzerland” sur le net qui n’ont rien à voir avec nos voisins helvètes ni de près ni de loin. Au passage nous ferons remarquer que les couteaux de cuisine Opinel sont fabriqués au Portugal.  
– une astuce dans notre domaine est parfois utilisée pour tenter de sortir du lot sur les couteaux damas : donner un nombre de couches supérieur aux concurrents. Outre le fait que + de couches ne veut pas dire meilleur, erreur souvent faite par les novices qui croient que plus on en rajoute plus cela coupe, il s’agit souvent du même nombre compté autrement. Le plus fréquent des damas est le 32 couches (en  fait 33 avec le noyau). On découvre parfois des 63 ou 67 couches, cela ne dépend que de la manière de les compter (selon le fabricant, ils comptent couches paires et impaires ou seulement paires) et de savoir si l’on compte le noyau dans ce nombre. On voit même sur un site l’accroche : damas 67 couches mais quand on rentre sur la fiche-produit on lit 63. Que cache cette erreur ? Chez Chroma France nous avons fait le choix d’opter pour le classique 32 couches comme c’est la règle chez les Japonais de bonne foi.
les fausses marques à consonance japonaise. Un nom japonisant sur un produit vulgaire se fait énormément depuis quelque temps. Ce qui peut mettre sur la piste : de vagues appellations sans rapport avec la cuisine du genre Tokyo ou Samouraï. L’exemple parfait de ce type d’entourloupe, nous en avons déjà parlé ici avec un couteau marqué de la croix Suisse qui n’a rien d’helvète. Nous avons aussi déjà évoqué les mélanges faits entre les différentes appellations de couteau japonais et sur les termes fourre-tout “inox”, “acier carbone”, preuves que le phénomène n’est pas nouveau mais qu’il a tendance à s’amplifier. Le pompon vu sur un site de VPC : un couteau fabriqué en Chine avec des photos d’une forge japonaise (sans lesdits couteaux bien sûr) et par dessus le gratin, un emballage marqué en japonais (ce n’est pas interdit).
les dénominations orgueilleuses. Lorsqu’on mentionne que les couteaux sont utilisés par de “nombreux” chefs réputés. Dernièrement un juge allemand a précisé qu’il faut entendre par là au-moins quatre, ce que le détaillant était incapable de démontrer. Comme on parle de l’Allemagne, lors d’un test de couteaux effectué par Stiftung Warentest, le Que choisir allemand, les deux marques les plus exécrables (commentaire laconique des examinateurs : ne coupe déjà pas à la livraison) étaient : un couteau dénommé Titanium  Professional et un autre qui portait le qualificatif Premium. Deux places devant : Premier Plus, Premier ne suffisant apparemment pas pour se décrédibiliser.