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Coutelier de l’équipe de France /3 – le hiku

Bocuse d'Or plat
Norvège, Bocuse d’Or National 2017
Allez, on ne va pas s’en cacher, les récentes présélections continentales pour le Bocuse d’or, dont la française vues par le prisme coutelier, nous ont un peu laissé sur notre faim. Le Bocuse d’Or est un laboratoire, à la demande des chefs engagés dans ce concours de l’impossible nous résolvons nombre de demandes spécifiques comme ce fut le cas l’an passé avec “couper un grain de caviar en deux sans l’écraser” où lors de la dernière victoire française avec un choix d’équipement longuement réfléchi en fonction des aliments à préparer. Le Bocuse d’Or demande des présentations particulièrement graphiques et note autant le fond que la forme. Mais force fut cet automne de constater un fossé béant avec les cadors de la présentation visuelle et gustative, les Scandinaves et les Japonais. Précisons quand même que la France est souvent devant le Japon qui ne maîtrise pas encore tous les codes du concours, mais le niveau se resserre d’année en année. 
Ces deux-là envoient encore du lourd, sans commentaire le plat du Norvégien en médaillon ci-dessus. Une technique insensée. Quant au compétiteur japonais désigné par ses pairs, Hideki Takayama avait déjà concouru en 2015, c’est un as de la découpe (voir ci-dessous la netteté de sa viande, notez aussi la structure et l’harmonie des lignes qui donnent un vrai sens de lecture dans ces plats). La découpe est au coeur de ce concours de présentation autant que de goût mais en France on commence à peine à en saisir toute l’importance. On a vu scier des viandes à la Mutuelle en septembre, à ce niveau c’est une hérésie, une coupe se tire d’un trait : c’est le hiku japonais. En cause non le talent, mais le pitoyable équipement de certains, il faut dire que l’organisateur a lui-même interféré dans le choix des armes sans autre réflexion que celle de remplir son objectif de parrainage financier. Nous nous battons déjà pour faire prendre conscience aux écoles qu’un outil de qualité, et son corollaire leur maintien en état, est une condition sine qua non dans ce métier, on s’aperçoit qu’il y a aussi du chemin à faire avec les ténors de la profession.

Pas un hasard que le vainqueur avait réalisé avec son couteau une coupe bien lisse et une présentation originale (viande carrée). Les cuisiniers japonais vous le diront, acheter un couteau n’est pas anodin, il faut qu’il convienne à sa préhension bien sûr mais tout découle de la lame, avec le poids qui se concentre sur elle et non le manche, le couteau se maniant avec d’autant plus d’aisance. C’est ainsi qu’un couteau Porsche Type 301 se tient différemment qu’un couteau à manche rond mais avec une telle facilité, son ergonomie “à la Porsche” et ses lignes fluides en sont un prolongement naturel. Les Nordiques ne s’y trompent pas. Attention donc à ne pas… perdre le fil dans notre pays sous prétexte que nous aurions la science Escoffier infuse. En tout cas le nouveau candidat français au Bocuse d’Or va relever le gant pour nous relancer dans la compétition avec l’appui de Chroma France, qui a l’expérience de ce concours (6 victoires sur les 7 dernières compétitions). Le Mosellan Mathieu Otto, c’est de lui qu’il s’agit, a fait le choix de Masahiro pour l’accompagner dans cette aventure. Il aborde le championnat de cuisine artistique avec un poids de moins, celui d’être aussi bien équipé que le norvégien. Huit mois devant lui pour rejoindre sa créativité et nous lui apporterons toute notre aide. Suivi régulier sur www.saga-bocusedor.com   

Bocuse d'Or plat
Découpe japonaise, c’est lisse et sans bavure